Les Jardins de Marqueyssac

La poésie suspendue

On ne visite pas Marqueyssac, on s’y sent vivant ! Guidés par la nature et nos sensations, partons ensemble à la découverte de cet endroit onirique, spectaculaire et parfaitement unique restauré de main de maître après avoir été laissé à l’abandon beaucoup trop longtemps. 

TEXTE & PHOTOS – Frédéric Lemont

Photo de couverture © Les Jardins de Marqueyssac

Les Jardins de Marqueyssac | Article paru dans le numéro d’été 2019 de notre magazine.

C’est grâce à des travaux pharaoniques entrepris en 1998 par Kléber Rosillon que nous pouvons aujourd’hui être littéralement émerveillés par les Jardins suspendus de Marqueyssac. Les lieux étaient en effet restés assez peu entretenus et il a fallu des années de labeur et d’inventivité pour faire revivre les jardins et leur rendre leur élégance. 

L’histoire de ces jardins a débuté en 1692, avec l’arrivée à Marqueyssac de Bertrand Vernet, conseiller du roi Louis XIV au Siège de Sarlat. Il décide alors de créer de vastes terrasses et pour ce faire, fait appel à un certain Porcher, qui aurait été, à cette époque, l’un des meilleurs élèves du célèbre Le Nôtre, jardinier du roi dont la réalisation la plus notoire et emblématique reste, sans aucun doute, les jardins du château de Versailles. 

 

Restaurés dans les règles de l’art 

Mais les Jardins de Marqueyssac trouvent leur vrai style dans les années 1860, lorsque le domaine devient la propriété de Julien de Cerval. De retour d’Italie où il a défendu la papauté au sein de la Légion romaine des zouaves pontificaux, il revient avec une réelle passion pour les jardins à l’italienne, d’où la présence à Marqueyssac de 150 000 buis, de cyprès, de pins parasols et de cyclamens de Naples. Une véritable mise en scène est orchestrée grâce à des rocailles, des cabanes en pierres sèches, le tout enveloppé d’une inspiration transalpine évidente.

En 1996, lorsque M. Rossillon fait l’acquisition des lieux, la végétation a repris le dessus et de nombreuses plantations ont souffert. Le chantier s’annonce énorme. Cet enfant du pays, passionné par le patrimoine qui a déjà à l’époque restauré le château de Castelnaud, redessine les jardins dans leur tracé d’origine. Les buis abîmés sont replantés. Les contours sont redéfinis. Les parties accrochées à la paroi sont remaniées. Plus récemment, la couverture en lauzes du manoir de 700 mètres carrés et de quelque 500 tonnes a été totalement refaite pour un coût total de 1,5 million d’euros !

(suite de l’article après les photos)

Dès que l’on arrive à Marqueyssac, on comprend tout de suite pourquoi il s’agit de l’un des endroits les plus visités de Dordogne ! Par les vacanciers, mais aussi par les gens du coin – il paraît même qu’un couple d’abonnés vient s’y promener tous les jours pour respirer la poésie ambiante…

Ouvert toute l’année, le domaine de 22 hectares – parfaitement entretenu par les équipes de jardiniers de Jean Lemoussu –, perché au-dessus de la vallée de la Dordogne, offre en effet la possibilité de s’adonner à une balade onirique dans l’espace et le temps, un cheminement qui nous fait voyager depuis le cœur d’une nature maîtrisée à la perfection jusqu’au bout d’un chemin pittoresque qui nous emmène tout droit au plus profond de la forêt périgourdine, avec comme fil d’Ariane, les buis qui nous accompagnent tout au long de notre trajet. C’est un dépaysement total pour nos yeux et pour nos imaginations qui se mettent volontiers à vagabonder au gré des surprises qui nous attendent au fil des vues spectaculaires et dans les recoins surprenants des jardins.

 

Une nature sculptée   

C’est un dépaysement total pour nos yeux et pour nos imaginations qui se mettent volontiers à vagabonder au gré des surprises qui nous attendent au fil des vues spectaculaires et dans les recoins surprenants des jardins. Dès le début de la visite, mère Nature est mise à l’honneur avec son propre pavillon. Un squelette de dinosaure de 7,50 mètres de long et de 2,50 mètres de haut datant du Jurrassique est là pour nous rappeler que cette nature est forte – et pourtant si fragile – et traverse les âges sous tant de formes différentes.

 

Une élégante bâtisse

Après un avant-goût des jardins de buis, tout en rondeur et en volumes, on arrive devant le château, une impressionnante bâtisse couverte de lauze, ce matériau si sublimé dans notre beau Périgord. Devant cette merveille, l’un des paons qui vit là nous accueille en déployant sa roue aux verts et aux bleus si profonds : “Bonjour à vous, cher Monsieur le paon ! Si votre ramage se rapporte à votre plumage…” Sur les murs de l’escalier en colimaçon, on peut contempler les photos qui documentent la rénovation du domaine, entreprise il y a un peu plus de vingt ans par Kléber Rossillon.

On traverse alors des appartements meublés et décorés dans les règles de l’art. Le temps semble être figé. Les papiers peints et les sols sont impeccables. Mais, avançons ! Une porte nous mène tout droit vers l’extérieur. On se retrouve alors face au Chaos de buis, un espace où les arbustes sont taillés en forme de blocs anguleux qui semblent dévaler la pente – on dit que cette mise en scène végétale est le fruit de l’imagination du propriétaire qui a pensé à ce dessin un matin au petit-déjeuner, tout en regardant des morceaux de sucre.

 

Le bastion, tout en rondeur 

Là encore, un paon nous attend avec sa roue de parade. Cette année, la galerie itinérante Re.Riddle a installé quelques œuvres d’art contemporain dans les Jardins de Marqueyssac. L’une d’elles, Le Cube, tout en rectangles rouges, est installée devant le Chaos et semble avoir été pensée pour parer cet espace vert et souligner sa grandeur. Vient le moment de nous diriger vers le Bastion, l’espace en buis le plus emblématique des jardins, tout en rondeur et en subtilités.

 

150 000 buis dans les jardins 

Le nombre de buis présents dans les Jardins suspendus de Marqueyssac est estimé à 150 000, qu’ils soient taillés à la main, au cœur du Bastion, ou laissés volontairement à leur libre croissance – certains peuvent alors atteindre les 10 mètres de haut ! L’art topiaire est ici pratiqué pour s’adapter au sol du promontoire rocheux sur lequel sont posés les jardins. Des érables de Montpellier, des chênes verts, des genévriers et des arbousiers, des pins parasols et des cyprès dominent le parc en son flanc sud avec une âme et un accent délicieusement méditerranéens.

Un peu plus haut, l’Allée des romarins nous conte elle aussi ses merveilles, avec son pavage qui invite à poursuivre notre chemin, sur la Promenade des falaises, tout en haut de la paroi. Peu à peu, nous avançons vers une nature aussi poétique qu’inattendue, toujours guidés par les buis qui bordent les chemins et sentiers.

 (suite de l’article après les photos)

Une expérience pour tous 

Des buis que les jardiniers de Marqueyssac, emmenés par Jean Lemoussu, sont parvenus à sauver de la pyrale des buis, cette chenille dévastatrice qui a récemment fait tant de ravages dans la région. On passe devant des enfants qui participent à une initiation à l’escalade sur une petite paroi aménagée. Rien à voir avec le frisson qu’on peut éprouver un peu plus loin sur la Via ferrata des rapaces longue de 200 mètres qui s’élève à 100 mètres au-dessus du sol !

De nombreux points ponctuent la balade qui suit. Une étonnante cabane en lauzes dont la toiture a la forme d’une cloche, le Siège du Pape, un calvaire, des cascades installées dans deux marmites de géant (cavités naturelles cylindriques percées dans la roche par d’anciens cours d’eau)…

 

Un panorama à ne pas manquer 

Clou du spectacle : le Belvédère qui offre ce qui est probablement l’un des plus impressionnants panoramas sur la vallée de la Dordogne et sur les châteaux de Castelnaud, Feyrac ou encore Beynac. Une vue estampillée “méritant le voyage” par le Guide Michelin. Tout est pensé pour que le public vive une expérience inoubliable, y compris les plus jeunes qui seront ravis de jouer aux chevaliers du Moyen-Âge, dans les cabanes en bois perchées dans des arbres surplombant la vallée. 

Des aires de jeux sont accessibles tout au long de l’année, ainsi qu’un labyrinthe végétal – parties de cache-cache assurées ! L’atelier du tourneur permet de découvrir le travail d’un artisan à partir des chutes de buis récupérées dans le jardin. De nombreuses animations sont à découvrir sur l’esplanade. Sans oublier le parcours d’une centaine de mètres entre les arbres, dans un filet à 5 mètres au-dessus du sol. Notez que les adultes peuvent aussi s’en donner à cœur joie. Nous ne nous sommes pas gênés pour nous y essayer – avec plus ou moins de grâce.

 

L’art est omniprésent   

Le parcours continue dans une nature de plus en plus brute. Un petit conseil, observez bien ce qui vous entoure : des pierres sculptées en forme d’étranges et fort sympathiques têtes sortent de la terre pour vous observer avec espièglerie et un insolite animal géant à piquants en résine signé par l’artiste Gérard Chabert se cache dans les sous-bois. Car, l’art est omniprésent dans les jardins. En atteste aussi une série de photos infrarouges de Pierre-Louis Ferrer qui bouscule notre perception de la réalité en proposant des images monochromes déroutantes… et donc si inspirantes.

 

La vue ou les buis ? Choix difficile…    

On arrive au terme de notre promenade, face à une cabane en pierres couverte de lauzes surnommée L’Asile du poète. On dit que Julien de Cerval, propriétaire du domaine au XIXe siècle, venait là, au milieu de la nature qu’il aimait tant, pour écrire. Est-ce ici qu’il a composé le poème, que vous pouvez découvrir en page suivante, dédié à Cybèle, divinité de la mythologie grecque et romaine personnifiant la nature sauvage ? Mystère !

Il est temps de retourner vers le château, en empruntant cette fois, le chemin sur le flanc nord du promontoire. La végétation y est si différente. On ne manque pas de passer dans l’Allée des Arches, si poétique elle aussi. On s’assoit alors à la terrasse du salon de thé qui propose également une restauration simple avec des produits locaux très gourmands. La spectaculaire vallée est là. Devant nous. Splendide. À couper le souffle. Mais on se retourne volontiers pour contempler à nouveau le Chaos de buis… ■

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